FEMME NON-RÉÉDUCABLE
de Stephano Massini
Mise en scène
THOMAS BELLORINI
Avec :
Brenda Clark
Édouard Demanche
Christabel Desbordes
June Van der Esch
Stanislas Grimbert
Simon Koukissa
Johanne Mathaly
Adrien Noblet
François Pérache
Marie Surget
Zsuzsanna Varkonyi
Lumières
Victor Arancio
Son
Nicolas Roy
Production : Compagnie Gabbiano
Coproduction : Le Centquatre-Paris, Théâtre Montansier de Versailles
« Un spectacle puissant, remarquablement maîtrisé et joué par une
dizaine d’interprètes, à la fois acteurs et musiciens [...] Une heure
d’une grande intensité. C’est un spectacle nécessaire.»
Chantal BOIRON (UBU Scènes d’Europe)
Anna Politkovskaïa est la seule journaliste russe à avoir couvert la deuxième guerre de Tchétchénie. Elle n'a eu de cesse de dénoncer les violations des droits de l'Homme dont se rendaient coupables les forces fédérales russes ainsi que la milice de Ramzan Kadyrov. Son acharnement pour la recherche et le partage de la vérité lui ont valu d’être surnommée par l’état- major russe « Femme non rééducable ». Anna Politkovskaïa est assassinée le 7 octobre 2006 à Moscou, dans la cage d'escalier de son immeuble. Un pistolet et quatre balles sont retrouvés à ses côtés.
Un an plus tard, Stefano Massini écrit une pièce à partir du travail de la journaliste.
C'est un montage de six années de notes, d'articles, d'interviews, de correspondances, de carnets de bord, écrits avec effroi et lucidité sur deux camps qui se déchirent.
Avec Femme non rééducable, il propose pour cela une écriture éclatée, mettant bout à bout des moments de la vie d’Anna Politkovskaïa qui deviennent les évènements par lesquels nous accédons à l’Histoire. Elle n’est pas le personnage principal d’une pièce qui lui rend hommage, elle est le prisme par lequel cette guerre nous est racontée, le fil conducteur d’une écriture qui tente de rendre compte. La prose est nette, aigue, tranchante, comme le style intransigeant de la plume journalistique.
Stefano Massini propose une écriture du témoignage, et cherche à associer la force réelle du documentaire et le pouvoir oral, poétique et fictionnel de l’écriture dramatique. Il ne s’agit pas d’une reconstitution, c’est une tentative poétique qui nous pose la question de ce que peut faire le théâtre face au silence et à l’horreur. Peut-il accompagner et poursuivre le travail de fouille et d’enquête mené par la journaliste ?
Après la lecture de ce texte, j’ai regardé un reportage sur la Tchétchénie
d’aujourd’hui : Tchétchénie, une guerre sans trace. Le constat est terrifiant. La dictature de Kadyrov, digne des plus grandes dystopies. Mais ce qui est plus terrifiant encore, c’est l’inconscience qui précède la vision de ce reportage, et dans laquelle nous replongeons par la suite.
Je partage ce constat établi par Massini : « C’est comme si, dans le monde, il y avait des chambres à coucher, des salons, des salles à manger et -hélas- des débarras. La Tchétchénie est un débarras. Et, de fait, on ne lui consacre que les reliquats de l’information. ». Le meurtre d’Anna Politkovskaïa, c’est le moment où une partie de l’Occident se réveille pour se rendre compte qu’il ne sait rien de la situation en Tchétchénie.
Comment pouvons-nous faire en tant qu’artistes, musiciens, occidentaux, français, si loin des crimes sans nombre perpétrés en Tchétchénie et en Russie, pour ne pas rester silencieux, immobiles ? Pouvons-nous, à notre petite échelle, travailler à briser cette indifférence et cette « traditionnelle -et rassurante- équation selon laquelle, dans les débarras, se cache toujours quelque chose de moisi et de nauséabond » ?
Thomas Bellorini