A LA PÉRIPHÉRIE
PRESSE
Les Frères Bellorini:
À la périphérie et Paroles gelées
Par Armelle Heliot le 04/03/2014 à 14:52
Crédits photo : Benoite FANTON/WikiSpectacle
On connaissait Jean, et l'on retrouve son Rabelais. On découvre Thomas, musicien, qui crée la pièce d'une auteur turque écrite en français.
C'est à Suresnes que cela se passe. Sur le plateau de l'Aéroplane, tremplin de jeunes talents, Thomas Bellorini met en scène À la périphérie, pièce de Sedef Ecer. Écrivain, elle est aussi comédienne et incarne ici Sultane, une animatrice de télévision survoltée qui distribue en cadeaux divers un bonheur éphémère. Turque, elle écrit en français (Éditions de l'Amandier) et parle de pauvreté, d'exil, de royaumes imaginaires. L'action se situe sur deux temps, deux mondes, deux modes: narrations parallèles et dialogues se croisent en fils irisés de musique et de chansons. C'est une histoire de pauvreté, de travail et de dignité. Un conte coloré qui fleurit dans un bidonville de Turquie et nous mène jusqu'aux portes de Paris. Dilcha (Anahita Gohari), Bilo (Christian Pascale), Kybélé e la Gitane aux pouvoirs magiques (Zsuzsanna Varkonyi) et la génération d'aujourd'hui, Azad (Adrien Noblet) et Tamar (Lou de Laâge). Une musicienne les accompagne (Céline Ottria). L'hétérogène est très bien traduit par le metteur en scène qui travaille en plans larges et cadres serrés et imprime un rythme soutenu à la représentation, servie par une distribution de qualité.
Paroles gelées. Crédits photo : Pierre Dolzani
Au Rond-Point, Jean Bellorini reprend Paroles gelées que Camille de la Guillonnière a adapté de Rabelais. Un spectacle choral, un extraordinaire travail de troupe tout à fait enthousiasmant qui depuis deux ans ravit public et critique.
Jean Bellorini a été nommé directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Il sait à merveille donner corps et vie à un groupe. Thomas Bellorini est musicien. Il a moins de métier au théâtre. Mais il a un sens profond de la poésie des textes et des êtres et son spectacle est touchant.
La Terrasse
Thomas Bellorini et Sedef Ecer conjuguent leurs talents pour dire les frontières et les écarts entre le centre et la périphérie, et éclairer le sort des miséreux.
L’auteure, metteure en scène et comédienne Sedef Ecer et le metteur en scène, compositeur et interprète Thomas Bellorini unissent leurs talents et créent un spectacle sur les multiples frontières qui séparent le centre de la périphérie, les habitats structurés avec familles installées des habitats précaires avec familles reléguées, en transit, et en quête d’une vie meilleure puisqu’elles n’ont rien. L’Histoire se répète avec variations : Dilcha et Bilo ont quitté leur campagne et vécu enfermés dans un bidonville pollué ; vingt ans plus tard, leurs enfants Tamar et Azad vivent dans un quartier menacé de destruction, toujours aussi empoisonné, et ils rêvent de partir. La gitane un peu sorcière du début a cédé la place à l’icône kitsch et gouailleuse d’une télévision populiste. Alternant récit et action, entrelaçant musique, parole et jeu théâtral, riche de comédiens de divers horizons, la pièce éclaire ce poignant et très humain oxymore : la misère implacable conjuguée à la force du rêve.
Agnès Santi
www.froggydelight.com
A la périphérie
Théâtre Jean Vilar (Suresnes) mars 2014
Comédie dramatique de Sedef Ecer, mise en scène de Thomas Bellorini, avec Seef Ecer, Lou de Laâge, Anahita Gohari et Adrien Noblet.
Tamar et Azad ne rêvent que d’une chose : quitter leur bidonville en Turquie à la périphérie de la ville. Ils voient le monde à travers la fée télévision personnifiée par Sultane, l’animatrice d’une émission qui exauce les voeux des téléspectateurs en direct. Azad, le premier, ira à Paris mais dans des conditions bien autres que celles dont ils ont rêvé…
Avant eux, Dilcha et Bilo, leurs parents, ont quitté la campagne pour venir s’installer sur la colline des anges et des djinns, de l’autre côté du périphérique. Ils racontent la vie au quotidien et la rencontre avec Kybélée la gitane.
"A la périphérie" sous des allures de fable, raconte la dure réalité et la difficulté d’intégration pour qui vient de la misère. De la périphérie turque à la périphérie parisienne, on reste à la même place. Il est impossible de résister à la ville tentaculaire et carnivore qui apporte les usines, la publicité, la télé pour seuls présents. La pièce montre pourtant dans ce bidonville un monde chaleureux et autrement plus solidaire.
Thomas Bellorini donne à entendre de belle façon la pièce de Sedef Ecer, essentiellement composée d’une suite de monologues de durée variables, et crée tout autour une atmosphère de magie, bien relayée par la musique jouée en live par Céline Ottria et la polyphonie des comédiens.
Il parvient à traduire la montée en puissance du texte par une mise en scène légère et ludique qui offre de vrais morceaux d’anthologie comme les chansons ou la fin du spectacle qui prend aux tripes.
Spectacle choral dotée d’une distribution épatante, "A la périphérie" est une peinture festive et colorée, véritable bulle de tendresse dans une réalité grave et déprimante.
C’est Sedef Ecer qui joue le rôle de Sultane avec une affectation parfaite. Anahita Gohari et Christian Pascale montrent humanité et dignité dans le rôle des parents. Zsuzsanna Varkonyi (Kybélée) impressionne de son charisme et de sa profondeur ; toutes ses chansons touchent au cœur.
Tandis que perchée en haut du décor (c’est elle la vraie fée), Céline Ottria accompagne tout le spectacle avec générosité. Adrien Noblet est un Azad plus vrai que nature à la fois courageux et naïf. Il montre un beau tempérament et compose un personnage attachant et drôle.
Enfin il y a Lou de Laâge qui, spectacle après spectacle, révèle une nouvelle facette de son talent et prouve qu’elle est une des comédiennes les plus douées de sa génération.
Sa version de "La vie en rose" est certainement la plus bouleversante qu’on ait pu entendre. Illuminant le spectacle de sa grâce et de sa flamme, elle compose une Tamar déchirante et inoubliable.
Spectacle musical, spectacle authentique qui touche juste, "A la périphérie" est un plaidoyer éloquent pour le quart-monde qu’il faut absolument aller découvrir.
Nicolas Arnstam
SPECTACLES - THÉÂTRE - CONTEMPORAIN
A la périphérie
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Note de la rédaction :
On aime beaucoup !!!
Du 17 mars 2014 au 27 mars 2014
Sedef Ecer, auteure franco-turque, raconte le destin de Dilcha et Bilo, qui quittent la campagne pour venir s'installer dans un bidonville, « au-delà du périph », dans une ville d'Europe centrale. Leur quotidien se partage entre la décharge et le travail dans une usine toxique. Dilcha rencontre Kybelee, la Tsigane (Zsuzsanna Vàrkonyi, merveilleuse chanteuse), l'exclue parmi les exclus. Elles attendent un enfant en même temps. Ce seront Tamar (Lou de Laâge) et Azad qui, vingt ans plus tard, voudront eux aussi accomplir leur rêve et partir pour l'Europe occidentale. La pièce parle de la misère, de l'exclusion, des illusions. Surtout des êtres sans racines qui flottent entre ici et nulle part. La mise en scène de Thomas Bellorini s'appuie beaucoup sur le chant et la musique. Tout y est beau, joyeux et très émouvant.
WITCHES BREW
FÉVRIER 14, 2014
A LA PÉRIPHÉRIE, UN SPECTACLE VITAMINÉ SUR LA CONDITION DES EXCLUS
Hier soir au théâtre Jean Vilar de Suresnes, se déroulait la première répétition publique d’ A la périphérie, un texte de Sedef Ecer, romancière, scénariste, journaliste et comédienne, mis en scène par Thomas Bellorini, musicien et metteur en scène.
Née à Istambul, installée à Paris après des études au lycée franco-turc de Galatasaray, l’auteure, qui s’attribue le statut d’ « écrivaine immigrée », s’intéresse au thème de l’identité déracinée. Lauréate de plusieurs prix (prix Coup de coeur des lycéens en 2012, France Culture, Centre national du Livre, Association Beaumarchais), sa seconde pièce en francais raconte deux histoires parallèles, celle de Dilcha et Bilo, qui ont quitté leur campagne pour atterrir dans la banlieue d’une métropole, et celle de leurs enfants, Tamar et Azad, qui, 20 ans plus tard, rêvent de quitter la Turquie pour l’Occident.
Pour évoquer la communauté de destins des habitants de la périphérie – « ces espaces sans aucune infrastructure où l’on repousse les populations dont on ne veut pas », Sedef Ecer construit son récit sous forme de cut-up, collage de séquences reconstituées et agencées, issues d’un travail documentaire minutieux, mais aussi de sa propre expérience, à la fois « d’errance en banlieue parisienne » et de balades dans des bidonvilles d’Istambul.
Avec un humour tantôt naïf, tantôt féroce, l’auteure aborde le quotidien de ceux qui habitent ces zones situées à la marge : l’exclusion, le recours à des travaux dangereux (l’usine de sablage de blue-jeans a remplacé l’usine de production d’herbicide dans le bidonville), la misère que l’on emporte avec soi, mais aussi la force du rêve, celle qui nourrit l’espoir de franchir la frontière qui sépare d’un ailleurs plein de promesses, le fantasme d’un eldorado, qui s’appelle « centre-ville » ou « Espace Shengen ».
Sous la direction de Thomas Bellorini, l’écriture cinématographique de Sedef Ecer prend vie, dans une ambiance bordélique et joyeuse, sur la scène du théâtre nimbée d’une douce lumière bleutée, qui me rappelle certains passages oniriques de 37°2 le matin.
Incarnés par la jeunesse et la beauté tout en contrastes des comédiens, Anahita Gohari et Christian Pascale pour Dilcha et Bilo, Lou de Laâge et Adrien Noblet pour Tamar et Azad, les deux couples se cherchent.
Assis sur une pile de palettes multicolores, à gauche de la scène, Anahita et Christian essaient d’apprivoiser une petite poule blanche dont les battement d’ailes nerveux et mal-aisés laissent supposer qu’elle n’a pas l’habitude de jouer la comédie. « Je ne sais pas encore si nous allons garder cette poule dans la version finale du spectacle, mais j’ai trouvé intéressant d’introduire un élément vivant supplémentaire pour interagir avec les personnages », explique Thomas
Au centre du plateau, Lou, longs cheveux détachés, vêtue d’un collant rose bonbon et d’une mini-jupe plissée, virevolte autour d’Adrien avec la sensualite effervescente et déjantée d’une Elli Medeiros époque Toi mon toit. Dans un dialogue voulu « très dansé », la fougue et l’énergie des deux comédiens rendent palpable le désir, la naïveté, la soif de liberté qui anime leur quête d’un ailleurs qui focalise les fantasmes.
Elément central du travail de Thomas Bellorini, la musique est le fil conducteur du récit. Reflet de la force vitale qui anime les périphéries, un patchwork de sonorités et de chansons hétéroclites permet de passer d’un monde à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une langue à l’autre, d’une culture à l’autre : « je souhaite que la musique prenne le relais quand les mots ne suffisent plus, puisqu’elle rend l’émotion universelle, et permet de dépasser les frontières, celles qui séparent les pays mais aussi celles qui séparent le centre de la périphérie », souligne le metteur en scène.
La bande-son, qui mixe musique turque, chansons orientales et tziganes, disco et percussions du Karnataka en Inde – berceau d’origine des gitans, est portée les personnages de Kybele, la sorcière tzigane du bidonville, et celui de Sultane, speakerine vendeuse de rêve que Tamar, exilé dans une banlieue occidentale, découvre à la télé.
Avec son brushing et son costume rouge en velours bon marché, Sedef Ecer campe cette « Sultane du périph », Dalila des HLM dont le grotesque et la grâce atteignent leur climax dans l’interprétation d’une version en Turc de La vie en rose d’Edith Piaf, chanson qui signe le départ d’Azad pour l’Occident et sa séparation avec Tamar.
Une grande partie de la composition musicale est également basée sur les chansons tziganes du répertoire de Zsuzsanna Vàrkonyi, chanteuse et accordéoniste d’origine hongroise, qui joue le rôle de Kybele, exclue des exclues, porteuse du mauvais-oeil, que les habitants du bidonville accusent de la dégradation de leurs conditions de vie. « J’ai toujours eu le fantasme d’être une Tzigane : la vie sur la route, la liberté… Mais je suis aussi sensible au sort terrible réservé à ces populations en Hongrie, ils suscitent unanimement le rejet et sont totalement à la marge », confie Zsuzsanna.
Entre ironie et prise de conscience, A la périphérie traite avec jubilation et ce qu’il faut de folie les thèmes graves et universels de la migration, des frontières et de l’identité. Comme l’analyse Olivier Meyer, directeur du théâtre Jean Vilar, « cette pièce parle de notre monde, de son évolution parfois désastreuse mais aussi de ses capacités à rassembler. Elle nous touche parce qu’elle ne nous donne pas de leçons mais nous cogne à la réalité. »
Ce spectacle s'inscrit dans la veine de celui du Moukden-Théâtre, cité plus haut, dont il pourrait être l'illustration extrême. Tôles et bidons colorés constituent le décor, figurant à la périphérie d'une ville, quelque part en Turquie, un bidonville où les habitants restent confinés. Loin du centre, toujours. Actrice et dramaturge d'origine turque, Sedef Ecer croise dans son récit deux histoires. Celle des mères, il y a vingt ans, et celle des enfants d'aujourd'hui, fascinés par l'Occident lointain dont ils savent tout par la télé. Paroles croisées révélant les stratégies de survie et de résistance (à l'usine pollueuse comme par hasard installée là, à l'évacuation manu militari du quartier) comme les aspirations au bonheur quotidien. La langue est simple et charnelle, et la mise en scène, menée comme pour un cabaret par Thomas Bellorini — le frère musicien de Jean, qui vient d'être nommé à la direction du TGP de Saint-Denis —, d'une généreuse énergie. Passons donc sur quelques longueurs pour ne retenir que le charme rare d'un spectacle qui rend aussi hommage au chant tzigane grâce à une envoûtante interprète...
Le 22/03/2014
Emmanuelle Bouchez
A la Périphérie Thomas Bellorini met en scène l’auteure turque Sedef Ecer. Une réussite
le 21 mars 2014 10H24 | par laurence liban
Photo Dan Aucante
Vu hier soir, dans une salle où, malgré la présence de nombreux collégiens, on aurait entendu une mouche voler, A la Périphérie est un spectacle à la fois léger et grave. Léger parce qu’on y chante beaucoup et qu’on n’y pleurniche pas sur le destin, et grave pour les mêmes raisons. Née à Istambul, Sedef Ecer montre la vie et les espoirs de deux couples appartenant à deux générations différentes et vivant à la périphérie d’une grande ville, dans ce qu’on appellerait, en Amérique latine, des favellas et, là, dans ce pays non nommé, le quartier des anges et des djins. C’est dans ce »quartier » séparé des lumières de la ville et de la mer, si proche, que l’exode rural a amené des centaines de paysans fuyant la misère pour en trouver une autre, plus gaie et vécue ensemble. Une vie rendue bientôt « prospère » par la présence d’une usine de produits toxiques, qui améliore le quotidien et empoisonne les bébés à naître. Ces bébés devenus grands n’auront de cesse de gagner l’espace Shengen. Une fois parvenu là-bas, la confrontation de leur rêve avec la réalité réservée aux malheureux du monde remettra les choses à leur place.
Lauréate de nombreux prix, Sedef Ecer à l’art de tricoter ces éléments, parmi lesquels la télévision joue son rôle. Fine mouche, elle ne démontre jamais, se gardant bien de défendre une thèse, mais, comme dans un conte, ouvre un chemin de compréhension intime de ce qui se joue dans le monde d’aujourd’hui. Thomas Bellorini met en scène le texte avec une légèreté pleine de tac et d’empathie. la musique, omniprésente, notamment le chant, permet au spectateur de prendre sa place dans l’histoire. On est conquis par tant de délicatesse. Et on se promet de suivre de près cet auteur, ce metteur en scène et leurs comédiens, si jeunes et si justes.
A voir jusqu’au 27 mars. Durée 1h30. Les lundis, mardis et jeudis à 21H
Théâtre de Suresnes Jean Vilar. Navette à 20h 15. place de L’Etoile à l’angle de l’avenue Hoche. Téléphone: 01 46 97 98 10
www.theatres.com
THÉÂTRE : A LA PÉRIPHÉRIE
Publié le 5 mars 2014 | Par Audrey Jean
Dans la fratrie ô combien talentueuse des Bellorini c’est Thomas qui s’illustre ce mois-ci au Théâtre de Suresnes Jean Vilar avec la mise en scène d’un texte bouleversant de Sedef Ecer « A la périphérie ». Ce conte moderne dresse le portrait de ceux qui sont laissés pour compte, ceux qui sont de plus en plus nombreux à peupler les bidonvilles de Turquie ou d’autres pays. Leur seule liberté : le rêve d’un ailleurs. Portée par des comédiens généreux et investis cette création résonne cruellement par sa vision extrêmement réaliste d’une misère dont on ne peut s’extraire. Magnifique !
Dilcha et Bilo ont quitté leur campagne avec l’ambition de changer de vie et de venir tenter leur chance à la grande ville. Leur voyage s’arrête sur la colline des anges et des djinns, une butte de cabanes insalubres avec vue sur les poubelles et le périphérique. Sur cette colline on rencontre aussi Tamar et Azad un autre jeune couple qui s’imagine vivre en occident, là où tout est possible. Et puis il y a les Tziganes et la belle Kybélée, ceux qui vivent encore plus en dehors du dehors, rejetés par les autres pour leurs coutumes étranges. Tous regardent de loin vivre cette ville à leurs pieds, enfermés à l’extérieur par ce périphérique infranchissable. Des destins liés par le même désir d’une autre vie, la même rage de s’en sortir, mais les moyens pour y parvenir seront différents.
Sedef Ecer pose un regard incroyablement juste sur la misère d’aujourd’hui et la retranscrit parfaitement dans cette fable douce-amère. Il est terrifiant d’assister ainsi impuissants à l’inéluctable répétition des destinées de ses personnages. Comme s’ils étaient programmés pour l’échec, ils restent confinés dans leurs bidonvilles, petits même dans leurs rêves ils ne s’imaginent pas réellement pouvoir vivre autrement. Preuve en est l’émission de télé-réalité de la Sultanne, créature glamourissime qui réalise tous les désirs des démunis. Etrangement alors qu’elle peut tout donner on lui demande parfois juste une nouvelle machine à laver.
Lorsque L’usine toxique de « Stop Herbe » s’implante sur la colline Dilcha et Bilo y voit une possibilité d’avoir un travail, événement déjà exceptionnel pour eux. Ils n’en verront pas la dangerosité ni la hiérarchie discriminatoire qui va du coup s’installer au sein de la colline des anges et des djinns. Dorénavant on distinguera ceux qui travaillent de ceux qui font toujours les poubelles pour survivre, les tziganes qu’on relèguera encore plus à la périphérie. Mais au delà de la pénibilité de ses conditions de vie, c’est aussi l’amour et la solidarité que raconte Sedef Ecer. L’espoir comme unique possibilité de survie, l’espoir qui enjolive tout, qui rend beau le spectacle des poubelles en décomposition.
Vingt ans plus tard Azad et Tamar vivent la même pauvreté au même endroit. Comme un appel lancinant d’un ailleurs idéal, Paris ou plutôt une idée de Paris leur tend les bras et les pousse à tenter le tout pour le tout. Vingt ans plus tard c’est toujours l’amour et l’espoir qui les poussent à rêver plus fort, plus loin, mais enlisés comme leurs aînés dans leur quotidien ils peinent à trouver une porte de sortie.
La mise en scène est à l’image de ce texte brillant, tout en finesse. Dans un décor à multiples niveaux les destinées peuvent ainsi s’enchevêtrer avec précision. Les personnages prennent tour à tour le rôle de narrateur, adressant leur histoire directement au public dans une simplicité désarmante, donnant du poids à cette parole multiple. L’émotion enfin est à ses combles avec les nombreux instants musicaux du spectacle, notamment les chants tziganes interprétés par Zsuzsanna Varkonyi. Thomas Bellorini utilise ainsi la musique comme langage universel pour illustrer la puissance du rêve, la force de l’espoir nous permettant d’entrevoir ce qui se passe de l’autre côté du monde et même plus près, juste de l’autre côté de notre périphérique. Vous l’aurez compris c’est du très beau théâtre, ne le ratez pas !
Audrey Jean